Il y a quelques années, j'écoutais la radio sans vraiment prêter attention. Une interview était diffusée, celle d'un dirigeant syndical. En temps normal, je passe ce genre de discours dès les premières phrases. Mais cette fois-ci, quelque chose m'a retenu : l'agacement.
Le ton, les propos, les slogans... tout sonnait faux à mes oreilles. Zéro nuance, que des caricatures. Une posture de confrontation quasi permanente. Moi qui suis indépendant, attaché à la justice sociale et à la rigueur intellectuelle, j'avais l'impression d'être face à un mur de slogans. C'était frustrant, presque violent.
Mais ce n'est pas cette frustration qui a changé quelque chose en moi. Non, c'est une discussion qui a suivi, avec un ami très proche, membre des instances dirigeantes du syndicat en question.
« Franchement, ton président à la radio... c'était trop. Trop simpliste. Trop clivant. Il n'y a pas de place pour la discussion dans ce genre de discours. »
« Tu sais Charly, il ne parlait pas à toi. Il parlait à ses affiliés. Et ça leur parle. »
BAM. Comme une gifle. Pas une gifle méchante, mais une gifle révélatrice.
J'étais en train de juger un message... qui ne m'était pas destiné. Je l'évaluais avec mes référentiels, mes besoins, mes attentes.
Et soudain, tout a fait sens.
S'adresser aux bonnes personnes : la leçon n°1 de la vente
La première étape de toute démarche commerciale, marketing, ou même communicationnelle, c'est le ciblage. Et ce n'est pas juste une idée théorique : c'est un principe fondamental.
On peut avoir le meilleur discours du monde, les arguments les plus solides, les chiffres les plus convaincants... s'ils ne sont pas destinés à la bonne personne, au bon moment, ils tombent à plat.
Dans le cas du syndicaliste, son public n'était pas moi. C'étaient ses affiliés. Et pour eux, dans le contexte à ce moment-là, ce message était probablement le bon.
Dans la vente, c'est pareil :
- Si je m'adresse à quelqu'un qui n'a pas le problème que je résous, je perds mon temps.
- Si je parle à un prospect qui n'est pas en phase d'achat, je m'épuise.
- Si je déploie mon argumentaire à quelqu'un qui n'a ni budget, ni pouvoir de décision, je me frustre.
D'où l'importance cruciale de la qualification.
Mais attention : qualifier, ce n'est pas juste vérifier l’âge, la fonction, le secteur ou le chiffre d'affaires. C'est détecter un état. Un contexte. Un besoin. Un timing.
Un prospect qualifié, ce n'est pas juste une "personne qui rentre dans les cases". C'est une personne dans une situation précise, où ce que j'ai à offrir représente une valeur ajoutée élevée à cet instant.
Adapter son message : la leçon n°2
Une fois qu'on est face à la bonne personne, le discours change.
Et c'est là qu'intervient le deuxième enseignement de mon anecdote : le message ne doit pas être consensuel. Il doit être pertinent.
Le président syndical ne cherchait pas à convaincre tout le monde. Il ne visait pas un débat sur BFM. Il voulait renforcer la mobilisation de sa base. Alors il utilisait les émotions qui fonctionnent : la peur, l'indignation, la solidarité.
Et dans la vente, c'est pareil. Un client bien qualifié n'a pas besoin d'une démonstration froide. Il a besoin de se reconnaître dans une histoire. La sienne. Et vous, vous arrivez au bon moment avec la solution qui permet de la faire évoluer.
Rationalité + Émotion = Impact
Trop de commerciaux pensent qu'il suffit d'avoir les bons arguments logiques. Mais l'émotion précède la raison. Et ce qui rassure un client, ce n'est pas que vous soyez brillant : c'est qu'il sente qu'il est compris, qu'il est écouté, qu'il n'est pas seul.
Voir depuis les yeux du client (et non depuis le perchoir du vendeur)
En écoutant le discours du syndicaliste, je l'entendais depuis ma position. En oubliant que son message était calibré pour une autre audience, dans un autre contexte, avec d'autres besoins.
Erreur classique de vendeur : parler depuis sa tour d’ivoire, son produit, sa solution, son jargon. Et attendre que le client s'adapte.
Non. C'est à nous de faire le pas vers lui.
Comprendre :
- Son niveau de conscience du problème
- Son expérience passée avec d'autres solutions
- Ses priorités actuelles
- Les risques qu'il perçoit
- Les enjeux auxquels il est personnellement exposé
Et à partir de là, construire un discours qui répond à ses réalités, pas à nos envies.
La valeur du décalage : apprendre à observer ce qui ne nous est pas destiné
Ce qui est fascinant dans cette histoire, c'est que j'ai reçu une leçon en écoutant un message... qui ne m'était pas adressé.
Parfois, ce sont justement ces moments de décalage qui nous permettent de prendre du recul. De nous dire :
« Et si j'arrêtais de parler pour plaire à tout le monde ? »
« Et si je concentrais mon énergie à parler avec justesse à ceux qui comptent vraiment ? »
Parce qu'au final, une communication efficace ne cherche pas l'universalité. Elle cherche l'impact.
Et l'impact vient du bon message, au bon moment, pour la bonne personne.
En résumé : ce qu'un syndicaliste m'a appris sur la vente (sans le vouloir)
- Tout le monde n'est pas votre cible. Et c'est très bien comme ça.
- Qualifier, ce n'est pas cocher des cases. C'est comprendre un contexte et un timing.
- Adapter le discours. Il n'y a pas de message unique. Il y a des histoires à réécrire avec le client.
- L'émotion n'est pas l'ennemi de la vente. Elle en est souvent la clé.
- Ce n'est pas au client de vous comprendre. C'est à vous de vous rendre compréhensible et pertinent.
Et vous ?
Avez-vous déjà réalisé qu'un message ne vous était pas destiné... et que c'était justement pour ça qu'il était efficace ?
Quelles leçons en avez-vous tirées ?
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